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14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 03:27

Lorsque j'ai déménagé d'Algérie, j'ai trouvé dans un carton un petit carnet qui avait été écrit par mon grand-père. Il y avait aussi de vieilles photos et j'ai alors essayé de les reclasser en suivant les indications du carnet. J'ai depuis perdu le carnet mais j'ai gardé l'album où j'avais collé les clichés en retranscrivant le texte.
Sur ce carnet, il y avait sur la couverture une photo de jeune femme découpée en forme de cœur. Mais ce n'était pas ma grand-mère... Il ne la connaissait pas encore.
Comme le dernier poilu, il était d'origine italienne. Il s'appelait Louis Guastavino. Je n'ai pas sa date de naissance exacte car il avait triché sur son âge pour s'engager. Je pense qu'il était né en 1898. Il n'avait que 16 ans lorsqu'il est parti combattre. On le voit sur cette photo:

Ce n'était ni le premier ni le dernier poilu. C'était un parmi des milliers et des milliers. Il en est revenu (sinon je ne serais pas là!) et est mort dans son lit en 1954 (il était encore assez jeune) des suites du diabète qu'on ne pouvait à l'époque soigner comme on le peut maintenant. Sa tombe est au cimetière de Saint Eugène.
Je publie ces photos à sa mémoire.
Voici une reproduction d'une page de l'album telle qu'elle est maintenant. Les photos sont très jaunies. Heureusement les techniques modernes permettent de rajouter des contrastes et enlever la plupart des taches.

J'ai aussi retrouvé dans l'album une petite note manuscrite de ma grand-mère. En voici le fac-similé.


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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 05:52

Page 1  
  
      Je suis incorporé le 17 décembre 1914, au 19ème bataillon du Génie, caserne Lemercier, à Hussein-Dey. J'y fait mon apprentissage aux tranchées, ponts, mines et marches, jusqu'au 10 mars 1915, date à laquelle je quitte Alger et embarque sur la Marsa, à destination du dépot du 2ème Génie à Montpellier. Le convoi part sans armes.

     Après 2 jours de mauvaise traversée, j'arrive à Port-Vendres, le 12 au soir. M'étant rencontré, à bord, avec M. Dulin, ce dernier m'invite à prendre un petit repas, à terre, ce que j'accepte avec plaisir, n'ayant rien absorbé pendant mon voyage

     Le peu que j'ai aperçu de Port-Vendres ne me plait guère; les maisons ne sont pas aussi blanches que celle d'Alger (La Blanche!)

     Je quitte Port-Vendres le 13 au petit jour et débarque à Sète dans la même journée.

     Une petite marche au travers de la ville et on nous loge dans la cour d'une grande caserne, parmi des territoriaux. Ces derniers sont très gentils pour nous et nous offrent à boire.

     Quitte Sète le 13 au soir pour arriver à Montpellier le 14 à 8 heures du soir. Environ 1 kilomètre au travers de la ville pour arriver aux casernes où l'on nous fait camper dans un grand manège.

     Agréable mais trop court séjour à Montpellier. Ville coquette où le militaire est très bien vu. Vie assez chère tout de même.

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     Mon stage est vite terminé. On a besoin d'une Compagnie pour l'Orient et celle venant d'Alger est toute désignée. Notre départ est donc fixé au 21 mars. Je suis affecté à la 8ème Escouade et la Compagnie devient Compagnie 5/15 du 1er Génie.

     Au matin de notre départ, pour nous remonter le moral et nous faire voir ce qu'est la discipline, nous assistons à la parade d'un poilu condamné à quelques années de travaux forcés.

     Défilons dans la ville fanfare en tête. Des pauvres femmes pleurent en voyant certains de mes camarades qui paraissent bien moins âgés qu'ils ne le sont réellement. Personne ne s'en fait pourtant et cette expédition d'Orient nous amuse tous, sauf la traversée pour laquelle on fait quelques objections.

     En route, la Compagnie reçoit l'ordre de camper à Lamanon. Donc l'on arrive à Salon le 22 vers 19 heures. De là, en marche sur Lamanon où l'on arrive à 22 heures. Ma section est logée dans la salle des Fêtes de l'hotel Jourdan. Une modeste litière nous sert de paillasse. La vie de campagne commence pour moi. Pour le repas du soir, je touche 1/4 de boule de pain et 1/4 de boite de singe. Je prends un café à l'hotel et monte m'allonger sur mon lit de "plume". La première nuit je suis agité, n'ayant pas encore l'habitude de coucher sur la dure.

     Lamanon est un gai petit patelin, collé au pied d'une assez haute montagne où l'on fait des pélerinages pour voir des grottes qui servent de chapelles, ainsi qu'une statue de la Vierge, perchée au plus haut point. Gens aimables au possible. Vie moins chère qu'à Montpellier.

     Notre séjour à Lamanon est employé aux tranchées, ponts et surtout marches à outrance. Notre capitaine ne nous accorde pas de repos et même les jours des Rameaux, de Pâques, il nous a fallu aller au travail. Seule la pluie nous permet de nous reposer. L'ordinaire de la Compagnie était bien maigre.

     Je quitte mon petit patelin le 1er Mai au grand matin. Les gens nous accompagnent à la gare. La cuisine de mon escouade était chez un brave vieux (le père Martin) qui avait fait la campagne de 1870.

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     Ce brave homme voulait à tout prix venir avec nous, et à notre départ, il pleurait de ne pas pouvoir nous suivre. Pendant notre séjour il lui était arrivé de nous faire la cuisine et même de nous payer, plusieurs fois, des cruches de son bon petit vin. Je garderai toujours un bon souvenir de ce brave vieux ainsi que de sa bonne femme.

     J'arrive le 2 mai à Toulon. En gare les femmes de France nous donnent des friandises. Après quelques heures passées sur les quais, j'embarque sur le Lutetia. Très grand paquebot, quatre mâts et trois cheminées. A bord nous sommes plus de trois mille hommes de troupe (beaucoup de coloniaux et de Sénégalais). Je suis logé à bord dans les salons des "deuxième" où les tables en acajou et les fauteuils tournants sont encore installés et nous servent de sièges. Passé à bord une revue d'armes et de vivres de réserve.

     Quatre jours d'excellente traversée suffisent pour arriver à l'entrée des détroits des Dardanelles. Là sont rassemblés un très grand nombre de bateaux; jamais je n'avais vu autant de paquebots rassemblés dans un aussi petit espace.

     Nous sommes salués par les obus turcs qui tombent non loin de la coque. Ma Cº quitte la première le bord et le débarquement s'effectue sans embûches.

     Le 6 mai dans l'après-midi, je me trouve sur une grande plage, au bas du Fort de Seddul-Bhar. Après une petite pause, le capitaine nous fait gravir un petit mamelon et nous nous trouvons placés devant une batterie de 75. A nos pieds, une grande tranchée. Notre chef nous fait mettre sur deux, le long de cette dernière. Il ne se passe pas deux secondes que nous entendons quelques obus de 77 qui tombent non loin de nous mais qui heureusement n'éclatent pas. Aussitôt le capitaine nous ordonne de nous abriter dans la tranchée où nous passons la nuit accroupis les uns sur les autres.

     Le lendemain, 7 mai, nous nous approchons du front. Chaque section prend une direction différente. Je traverse la plaine et laisse derrière moi les 5 pylônes turcs. Nous arrivons à la ferme Zimermann à midi. Mon chef de section, un brave aspirant (note: Roche, celui qui a fait les corrections) nous fait coucher dans un petit bois et nous conseille de manger avant d'avancer. De ma position j'observe les Anglais qui attaquent et progressent dans la plaine au dessous de Kritia. Vers 13 heures mon capitaine nous envoie l'ordre de nous porter, par bonds successifs, en avant. Aussitôt les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème escouades sortent tour à tour par demi-escouade, pour se poster dans un petit élément de tranchée distant d'au moins quatre cents mètres.

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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 05:54

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     Pour franchir ce petit espace je me couche plusieurs fois afin d'éviter les balles et les schrapnells. Dans cet élément je ne reste pas longtemps et encore par bonds je me poste, avec la Cº, dans la tranchée de 2ème ligne où nous sommes en réserve. Pas de boyaux de communication. Arrivé dans la tranchée, je m'istalle tant bien que mal. Les obus pleuvent autour de nous, (la plus grande partie n'éclatent pas). Aussi, avec un de mes bons copains, nous nous plions en deux, l'un en face de l'autre, tout en faisant croiser nos deux sacsde façon à nous préserver le buste des éclats. Je m'endors même dans cette position.

     La nuit, recevons l'ordre de céder notre place aux coloniaux et de venir nous installer en arrière de la ferme Zimermann. Aussi c'est avec plaisir que je redescends la colline pour m'installer dans des oliviers, tout contre le flanc de la colline. Les repas sont maigres, du singe et des biscuits. Dans le courant de la journée, la Compagnie a près de 10 blessé. La nuit nous nous abritons dans un petit ravineau, les balles nous passent au-dessus. Nulle place où l'on soit à peu près abrité.

     On nous tire des buissons environnants et où le lendemain nous trouvons quelques turcs embusqués. Le 8, nous montons en hâte de petits abris par demi-escouade. Pour avoir du bois nous abattons des arbres. Je loge avec mon caporal (note: Westein), deux Bel-Abésiens et un Parisien (note: les frères Ségura et Lagrange). Du reste nous nous entendons très bien nous cinq.

     Toute la journée, nos batteries et nos vaisseaux ne cessent d'arroser les lignes turques et la position d'Achibaba. Je m'en réjouis car je pense que les Turcs vont mettre les calles. Mais tout le contraire se produit. Les blessés affluent et il y a affolement. Notre capitaine (Varnier) s'arme d'un Lebel et nous fait prendre nos mousquetons. Sitôt rassemblés, il prend la tête et nous voilà partis, au pas de charge, sur les premières lignes. Les obus tombent de partout, les balles sifflent, et on avance tout de même en hurlant comme des sauvages.

     De tous les côtés les clairons sonnent la charge. Tout-à-coup nous reprenons le dessus et les Turcs se replient. Nous occupons la deuxième ligne jusqu'au calme et ce n'est que le lendemain matin, 9, que nous cédons notre position à des Sénégalais.

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     Le 8, nous avons enlevé quatre lignes de tranchées. Pendant l'attaque, on est fou et on ferait les plus grandes bétises si on nous les commandait. La Cº a perdu pas mal de monde..

     Le 9, journée de repos. A la nuit tombante, ma demi-section a pour mission de placer des fils d fer barbelés. Je quitte le bivouac à 20 heures 30 et me dirige, avec mes copains, vers l'endroit désigné. Entre tous mes copains, j'estime plus mon ami parisien (blessé 2 fois sur le front français et loin d'être trouillard). C'est avec lui que je fais équipe et nous voilà, tous deux, au boulot en dehors de la tranchée. Le travail dure 2 heures au moins. Après ce temps nous reprenons le chemin du bivouac sans avoir eu un blessé.

     Du 9 au 20 je travaille à la création de boyaux de communication. Ce travail se fait de nuit et malgré tout coûte pas mal de blessés à la Cº. Je perds, dans ce travail, deux hommes de mon escouade. Le 20 Mai, je monte en ligne pour l'amélioration des tranchées. Les Turcs attaquent le 2ème RMA qui occupe la tranchée devant nous.

     Les blessés abandonnent leurs postes et bientôt c'est l'affolement et les zouaves perdent pied, se ruent vers nous en blessant même un de mes copains. Aussitôt nous prenons les armes et faisons le coup de feu pour arrêter l'ennemi. Après une heure er demie de fusillade, tout rentre dans l'ordre. Nous avons un élément en moins. Ma section a deux tués et trois blessés. Mon sergent (Chevre) reçoit des instructions et nous nous replions en seconde ligne. Les boyaux de communication étant encombrés par les renforts et les blessés, nous sommes obligés, pour nous replier, de courir à découvert.

     La fin de la journée est employée à la construction d'abris pour officiers.

     Du 21 Mai au 3 Juin, toujours travaux de nuit dans les sapes, tranchées et boyaux. Le 4 Juin, jour d'attaque: la Cº entière monte en ligne; nous avons tous une journée de vivres de réserve, un bidon plein d'eau et la couverture en sautoir. Avant le rassemblement, je serre pour la dernière fois la main de mon pauvre ami Ripoll.

     La préparation d'artillerie dure toute la matinée. Ma section n'étant pas de jour se place en deuxième ligne. La première vague d'assaut sort à midi. Ce sont des Coloniaux. Ils ne parviennent même pas jusqu'à la tranchée adverse (le Haricot) et sont pour la plupart tués. L'artillerie reprend et la seconde vague part à une heure. Elle a le même sort que la première. Mon capitaine arrivant en ligne commande alors à la 3ème section (note: adjudant Berland) de sauter le parapet et de dégager un boyau de communication allant à la tranchée ennemie.

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     Mes pauvres copains exécutent les ordres donnés et sont pris de suite entre deux feux. La section ne pouvant rien faire se replie en laissant des hommes sur le terrain.

     Dans l'après-midi, on lance une autre vague qui malheureusement n'a pas plus de succès. Les heures m'ont semblé des siècles et quand le soir je regarde par dessus le parapet je vois un petit espace où les notres sont entassés les uns sur les autres et reposent de leur dernier sommeil. Le spectacle est terrifiant et ne peut être traduit par aucune imagination. Cela montre que l'homme n'est rien sur terre. En rentrant au camp j'apprends que mon pauvre ami Ripoll a été tué en allant déboucher le boyau turc. Cette nouvelle me peine beaucoup car c'est mon meilleur ami d'enfance que je viens de perdre.

     Au jour, le 5 juin, je monte en ligne pour essayer de redescendre les restes de mon pauvre et cher copain. Je rentre en sape et après avoir dépassé plusieurs cadavres, amis de Cº, j'aperçois mon copain couché à plat ventre en avant du parapet. Il est déjà méconnaissable et aller le chercher, c'est jouer gros jeu car les balles et les grenades sifflent à la moindre poignée de terre que l'on jette. Je me vois à mon grand regret obligé d'abandonner, là, mon pauvre ami auquel j'aurais voulu donner un sépulcre. Je réussis à prendre son képi que je rapporte au camp et que je garde avec moi.

     Du 5 au 20 juin, travail de sape et construction d'abris pour postes de commandement en première ligne. Il faut être prudent pour ne pas se faire amocher. Le 21 juin, rassemblement de la Cº à une heure du matin et départ pour les lignes, l'attaque devant avoir lieu dans la matinée.

     Sitôt le jour, l'artillerie commance sa tâche. Mon escouade doit, de suite après le départ de la première vague, travailler à relier la première ligne en levée à notre point de départ. Pagaille dans le commandement du travail, les ordres n'étant pas bien compris. Mon caporal, Julot et moi ouvrons un chantier en avant de la sape, dans un petit trou de marmite. La Cº ayant un très faible effectif on prend des hommes de corvée dans les troupes en ligne (note; 175ème régiment d'infanterie). Nos troupes s'emparent de la première ligne turque malgré le bombardement et la résistance acharnée de l'ennemi qui se replie très lentement. Travaillant à découvert nous recevons des rafales d'obus qui nous obligent à nous réfugier dans le bout de la sape où on a flanqué une mitrailleuse.

 

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11 mai 2008 7 11 /05 /mai /2008 07:40

Page 7

     De là j'assiste à un vilain spectacle: au départ de la 2ème vague, à notre droite (ce sont des fantassins du 176ème Régiment d'Infanterie). Mais tout-à-coup arrive une marmite qui nous ensevelit tous trois. Les fantassins nous deterrent promptement, notre aspirant vient s'informer de notre santé et nous fait descendre au camp pour nous faire soigner. Nous arrivons au camp, acconpagnés par l'infirmier, le major (Périgaud) nous faitdeshabiller et commence à nous ausculter. Il nous trouve des contusions internes et nous fait badigeonner de teinture d'iode. Pendant une semaine nous restons au camp, le major nous ordonne du lait et du chocolat, ce que nous absorbons avec plaisir, et l'infirmier vient deux fois par jour, pour nous prendre la température et nous faire des massages.

     Du 21 Juin au 5 Juillet je garde la guitoune. Mon major part passer quelques jours à Mondros. Le Parisien, Julot, est évacué pour la gale et nous laisse, mon caporal et moi, sous notre guitoune. Me grattant beaucoup, j'en fais part à mon sergent et me fais porter malade le lendemain. Le nouveau major me regarde bien et conclue à mon évacuation, pour gale; il en fait de même pour Westin, mon caporal, qu'il croit atteint d'appendicite. Nous filons donc le 6 Juillet à l'ambulance du cap Hellès. Là je retrouve mon Parisien qui suit un traitement de pétrole. Pendant mon stage de 3 jours, on me badigeonne tout le corps au pétrole et on m'évacue pour l'entérite. Pendant mon passage à l'ambulance les Turcs nous ont bombardé deux fois, mais heureusement tout s'est borné à des dégats matériels.

     Donc je quitte la Cº le 9 en compagnie de Julot et nous sommes hospitalisés tous deux à l'hôpital de campagne de Liknak (dans l'ile de Lemnos). Là je n'absorbe que du lait. Après 6 jours de traitement, sans amélioration, je figure sur la liste des évacués.. Un caporal infirmier vient me voir et me demande si je suis parent de l'avocat d'Alger (Note: qui deviendra plus tard Sénateur). Après ma réponse, nous causons longuement tous deux de Jean-Marie et avant de me quitter il me promet de me faire évacuer sur la France, au lieu d'aller à Alexandrie, où l'on évacuait tous les malades dans mon genre. Je m'en réjouis et le 15 Juillet dans l'après-midi j'embarque à bord du Lutétia> Avant mon départ, j'avais chargé mon ami Julot, ainsi que Foyer, d'aller chercher du vin doux et des gâteaux et tous trois avons fêté, sur la plage, mon départ pour la France.

     A bord du Lutétia je ne mange rien de 24 heures. Le 16 Juillet à 1 heure 15, le Lutétia lève l'ancre et je quitte, sans aucun regret, ce sale pays d'Orient. Au bout de trois jours d'excellente traversée, le Lutétia arrive en rade de Bizerte.

     Les Algériens sont débarqués à Férryville. Un petit train nous attend, tout contre le navire, et nous filons sur Bizerte. Je traverse une toute petite gare, Tindja, où tous les habitants se pressent pour nous donner à boire, des gâteaux et toutes sortes de friandises. Nous arrivons peu à peu à Bizerte. On nous fait descendre et nous attendons dans un grand hangar d'obus que les autos sanitaires viennent nous prendre. Là les dames de france nous donnent du lait chaud, des limonades et des gâteaux. Arrivent ensuite des officiers de marine qui nous questionnent sur notre santé et sur ce qui se passe aux Dardanelles.

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     Devant la porte stationnent les autos qui nous transportent dans les hôpitaux. Je suis dirigé sur l'hôpital temporaire Nº1 (chez le consul de France). C'est dans une belle salle des fêtes qu'est le dortoir. Je reste en extase devant mon beau lit car voilà des mois que je n'en ai plus vu un seul. De suite la directrice vient nous voir et nous demande de bien vouloir raconter ce que l'on fait aux Dardanelles, notre manière de vivre,...

     Toutes ces dames sont très charmantes et s'empressent autour de moi. Je prends un bain et me change avant de me mettre au lit. Le docteur arrive, c'est un bon petit vieux civil qui a l'air très chic. Il me conseille de bien manger pour me remettre vite sur pied. Nous sommes servis à table par de gentilles demoiselles. On fait bonne chère. Deux jours après mon entrée, le docteur me fait commencer un  traitement de piqûres qui du reste me réussit très bien.

     Une infirmière, jeune demoiselle à chevelure blonde, me prend pour protégé et je me laisse faire. Elle vient passer deux jours par semaine et en profite pour me gater. J'ai du quinquina avec des petits beurres avant les deux repas. L'après-midi est passé sur mon lit, avec quelques camarades, et Mlle Pestel nous amuse à différents jeux. J'aime discuter avec cette demoiselle et je recherche sa compagnie. Nous sommes très libres et nous sortons comme nous le voulons.

     Après le diner, nous allons nous promener sur la plage et la jetée du port. Beaucoup d'officiers sur la plage et cette compagnie me déplait. Un médecin inspecteur vient troubler notre séjour et voilà que l'on me porte sortant avec quatre amis d'hôpital. Je quitte donc cette aimable société le 17 Août et suis dirigé sur le dépot des convalescents où je passe trois jours à me raser dans les grands prix.

     J'obtiens une permission de 7 jours et me voilà en route sur Alger où j'arrive le 22 après 2 jours de voyage fatigant. Enfin je retrouve tous les miens en excellente santé et en pleurs de joie, car vraiment par moments je croyais bien rester tenir compagnie à mon cher Ripoll. Je m'en suis tiré et j'en suis fort content.

     Inutile de raconter mon séjour à Alger, où j'ai employé mon temps le mieux que j'ai pu, en oubliant totalement les coups de chien que j'avais passé. J'ai vu les familles Ripoll et Borielo auxquelles j'ai donné des renseignements sur leurs pauvres enfants, laissés si loin dans un coin perdu de la presqu'ile de Gallipoli.

   A Alger, j'ai obtenu 5 jours de prolongation, faute de bateaux. Il me faut partir à nouveau, c'est si pénible pourtant.

Page 9

      Je quitte Alger le 4 septembre avec un convoi d'isolés et j'arrive à Bizerte le 6 à 2 heures du matin. Au débarcadère, les territoriaux nous attendent et nous nous mettons en route pour la caserne. Je ne perds pas de temps à Bizerte. Je vais voir ces dames à l'hôpital et je quitte la ville le 7 à 8 heures du matin. Nous embarquons sur un grand remorqueur et nous filons sur Ferryville.

     On nous transborde sur le Melbourne, sale bateau qui ne va guère vite et n'a pas de T.S.F. Je suis en compagnie d'un ami d'hôpital ainsi que de Bégué, ami de Compagnie et surtout du Génie à Alger.
La traversée n'est pas mauvaise ni mouvementée. Pourtant à bord on refuse de nous donner des couvertures et avec notre capote nous ne faisons pas les vaillants la nuit sur le pont du bateau. J'arrive malgré tout en rade de Mudros le 11 septembre à 9 heures un quart. Je quitte le bord le 12 pour être dirigé sur le dépot du Génie distant de 10kms du lieu de débarquement. Avec Bégué nous arrivons au dépot à 11 heures et demie sous une petite chaleur. Nous faisons les formal;ités d'usage. Je retrouve plusieurs copains de la Compagnie, ce qui me chasse un peu le gros cafard. Nous logeons sous des marabouts, où les puces pullulent. Nous sommes employés à faire les maçons mais nous ne tuons pas.

     Je quitte le camp, avec trois amis de Cie le 22 à 6 heures du matin. J'embarque dans l'après-midi sur un bateau à roues et prends pied à Seddulbhar le 22 à 8 heures du soir. Nous passons chez le commandant du Génie divisionnaire et arrivons au camp des oliviers à 10 heures et demie. Je reprends place dans mon ancienne guitoune, avec un cafard formidable. Je retrouve encore pas mal de copains et les officiers que j'avais laissés il y a près de 3 mois. Je prends quelques jours de repos et je vais au travail sur la voie de Décanville. Le caporal de mon escouade est un type qui m'a fait faire les classes à Alger et ma foi nous nous entendons bien.

     La compagnie reçoit l'ordre de plier bagage et nous quittons le camp le 30 septembre à 20 heures. Nous embarquons à Seddulbar à 22 heures. Nous partons pour une direction inconnue à minuit. Je me trouve sur un tout petit raffiot se nommant "Gaule" avec 2 compagnies de fantassins. Après une bonne traversée, nous arrivons le 2 octobre devant Salonique. Nous formions un convoi de 4 bateaux escortés par un contre-torpilleur. Après plusieurs coups de canon échangés entre la terre et le contre-torpilleur nous faisons demi-tour et regagnons Mudros le 3 octobre. Inutile de dire que l'on regrettait le bord malgré que l'on avait de la saleté à manger. Nous nous remettons en route le 4 dans la nuit et nous arrivons dans le golfe de Salonique le 6 au matin. Nous débarquons le même jour à 11 heures. Nous traversons la ville qui est très moche pour regagner le camp de Zetenlick distant de 5kms de la ville. En route à 15 heures, je rencontre Pepète Cardenas, nous échangeons quelques mots. Bien sûr nous logeons sous la guitoune, le camp de concentration n'étant même pas tracé.

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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 03:43

Page 10

  
   Le lendemain avec ma section je redescends à Salonique où nous devons décharger du matériel qui nous est destiné. Nous quittons Salonique le 14 dans la nuit pour arriver à Stroumitza station le 15 au matin. Là je vois les premiers soldats Serbes tous déguenillés et très vieux. Là je mange des petites saucisses. La Cie laisse une section les 3 autres reviennent à Guevgueli, où nous arrivons le 16 à 13 heures. On nous loge dans une ancienne caserne sur de la paille. Nous ne sommes pas mal. Il y a encore pas mal de civils dans cette petite ville. Les femmes sont habillées à l'européenne, il y en a même qui sont assez bien.

     Nous mangeons bien, beaucoup de légumes, vu que les champs sont abandonné et nous en profitons. Le 18 je prends la garde à la gare. Le chef de gare a 2 filles épatantes et d'un grand chic. Nous travaillons sur la route où par endroits nous avons de l'eau jusqu'à la ceinture.

     A partir du 20 arrivent des réfugiés des villages que nous faisons évacuer. C'est vraiment lamentable de voir ces convois, les femmes et les enfants se trainant, le bétail restant en route et sans propriétaire. C'est un spectacle indescriptible.

     Nous quittons Guevguevili le 22 dans la nuit pour regagner Stroumitza station. Nous touchons du pain serbe qui est bien loin de rivaliser avec le notre. Nous sommes employés à des travaux de route et surtout à la surveillance de civils qui travaillent pour nous. 

     La vie s'écoule douce et pas mouvementée. Pourtant l'ennemi avance et devant le nombre nous devons nous replier. Notre situation à la station de Stroumitza est alarmante car l'ennemi est disposé en fer à cheval autour de nous et menace de nous emprisonner. Nous commençons la retraite dans la nuit du 8 au 9 décembre.

     Ma section a pour consigne de protéger un convoi de mulets du quartier général. Nous quittons Stoumitza vers minuit, la route est très mauvaise et il nous faut passer plusieurs gués avec de l'eau jusqu'à la ceinture. Nous nous enfonçons dans la montagne où nous avons pour tout chemin un tout petit sentier au milieu des broussailles. A 8 heures nous faisons une halte pour manger un brin et nous reprenons notre course. Nous longeons presque constamment les bords du Vardar qui sont par endroits très gentils mais je n'ai pas le temps de faire comme le lièvre.

     Arrivés à Guevgueli le 9 décembre dans la soirée. Nous avons un jour de repos qui est bien gagné, je crois. Le 10 dans la nuit nous recevons l'ordre de nous porter en petit poste dans la plaine. Le 11 à 5 heures du matin le général Baillod passe avec tous ses officiers d'at-major. Nous commençons une tranchée pour protéger un groupe de 75. Nous apercevons la cavalerie ennemie dans la plaine. Nous sommes dans la pétarade. Le capitaine et plusieurs hommes de la Compagnie du Génie 5/65 qui étaient avec nous sont tués dans une embuscade.

     Le village de Cinarli que nous devons traverser tombe entre les mains de l'ennemi et nous sommes obligés d'attendre que l'infanterie le reprenne pour continuer notre repli.

Page 11

     Je quitte Guevgueli le 12 décembre. Après mille peines, nous traversons la région d'Amatovo où les chevaux s'enfoncent jusqu'au poitrail. Nous sommes obligés de tirer nos voitures à bras pour les sortir des marécages.

     Le temps se brouille, et nous avons de l'eau. Cela rend notre marche beaucoup plus pénible; les routes sont trempées et la boue se colle aux chaussures. Enfin nous arrivons à Topsin le 15 décembre, assez épuisés. Pendant la retraite, nous avons eu à nous plaindre du ravitaillement, et encore nous étions favorisés à coté des pauvres fantassins. Je retrouve un bon copain d'escouade qui nous avait préparé une bonne litière et nous avait trouvé quelques œufs. Etant fatigué, je dors de suite.

     Le lendemain nous avons repos. Nous recevons un gros courrier et pour ma part je reçois quelques colis qui me font bien plaisir. Dans la soirée, mon ami Goetz agent de liaison entre la division et le commandant du Génie divisionnaire vient me trouver et me demande si je veux bien le remplacer à la division. Je ne réfléchis même pas et nous allons tous deux trouver le capitaine, lequel ne voit aucun inconvénient à ce changement. Je pars sur-le-champ à l'état-major de la division où je loge sous un marabout en compagnie de plusieurs plantons et automobilistes. Je suis tout heureux de mon embusque car je suis certain d'être moins exposé qu'à la compagnie.

     Le lendemain matin nous changeons de logement et allons nous mettre dans une grande grange de paille, où nous sommes très bien. La vie est très tranquille, le travail consiste à maller porter des plis dans un rayon d'1 km. Le 18 décembre, ma compagnie quitte Topsin pour Vatiluk. Le capitaine veut m'emmener mais le capitaine du 1er bureau de la division le fait demander et après l'entrevue il est décidé que je dois rester à l'état-major. J'en suis fort aise. La vie que je mèe peut être comparée à celle d'un concierge: j'annonce tous les officiers qui viennent et porte quelques plis. Je me fais très bien à ce nouveau genre de vie et je crois même avoir fait le groom, étant plus jeune.

     Le 1er janvier 1916 on réunit tous les militaires du quartier général et il y a pas mal d'embusqués comme moi pour présenter leurs vœux aux officiers d'état-major. Dans le vestibule se trouvent les officiers: Général Bailloud, Colonel Marty, Capitaines Labac, De Galar, Laprun, Perrin, Coste. Dans un coin une grande table garnie de plusieurs espèces d'objets, entre autres 4 bouteilles de champagne dont 2 pleines d'eau. Le général Bailloud nous raconte une petite histoire, nous fait prendre un numéro à chacun et le tirage des lots commence. Pour ma part j'ai quelques bonbons, de la ouate thermogène et un cache-nez. Nous nous retirons après une gentille petite cérémonie.

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     Du 1er janvier au 30 avril, pour me distraire avec les autres plantons, nous travaillons dans un petit jardin qui sert de parterre et les officiers en sont très contents. Nous avions une bonne nourriture et nous pouvions acheter pas mal de choses.

     Je quitte le 1er mai Topsin pour Kirec. Je marche toute la journée dans de mauvaises route qui rendent la marche très pénible. Arrêt pour déjeuner à 2 heures de l'après-midi à Navret Hissar, village complètement détruit pendant les dernières guerres Balkaniques.

     Nous nous remettons en route à 15 heures et demie. La route est toujours aussi mauvaise et je suis bien fatigué. Enfin nous arrivons à Kirec à 18 heures après avoir fait 40 kms environ dans notre journée.

     Les bureaux sont installés dans le presbytère, les officiers dans l'église, et nous dans une masure possédant encore sa toiture. Il ne reste pas grand-chose de ce village: environ 6 maisons à peu près habitables, le reste complètement en ruines. Aussi avec 2 amis je monte la guitoune et me voilà installé en plein air. C'est là que je suis le mieux. Le terrain est beaucoup vallonné et de l'eau en abondance, mais tout de même loin de mon habitation. Malgré la forte chaleur je passe un bon séjour à Kirec quoique j'ai eu la dingue. On me pique contre la typhoïde. Je quitte Kirec le 31 juillet pour aller à Tossilovo.

     Après s'être trompé de route, le convoi traverse es villages de Dragomir (attenant au lac d'Arzan), Mihalova, côte 87 (où l'on passe une journée de repos) ensuite Karasuli où nous faisons un repas avant de traverser le Vardar. Passage du pont, nous laissons la station de Guinendzé sur notre droite, Bohémica, Gorgop, et après 3 kms de côte nous arrivons à Tossilovo.

     Là, je suis installé avec les bureaux dans la maison du Pope, la plus belle du village. Les habitants de ce village sont propres et très travailleurs. Ils ne sont pas à comparer avec ceux de l'autre rive du Varna. Là je mange de bonnes salades de poivrons et tomates. Par contre l'eau est fort rare et distante de près d'un kilomètre du village. Je suis arrivé à Tossilovo le 2 août à 10 heures. Le 15 Août je suis décoré de la Croix de Guerre par le Commandant Lauth, chef d'état-major, qui nous invite après la cérémonie à prendre une coupe de champagne. Le soir, amélioration de l'ordinaire: dinde farcie, donnée par le Général Bailloud avant son départ pour la France, vins fins et champagne pour arroser ma décoration.

     Je passais mes soirées chez l'institutrice du village où avec un de mes amis nous arrivions à nous faire comprendre, plutôt par gestes que par paroles. Nous gouttons chez ces gens-là le fameux rakia qui n'est autre que de l'eau de vie de marque mais très faible. En échange nous leur donnons de la gnole. Je profite de mon séjour dans ce patelin pour aller voir la ville de Gumendjé qui n'est autre qu'un village dans le genre de Guyotville.

     Je quitte Tossilovo le 22 aout à 6 heures. Après une vingtaine de kilomètres de mauvaise route, j'arrive en gare d'Amatovo où nous embarquons à 22 heures. Je suis perché sur un truc sous une voiture, c'est loin d'avoir du confortable. J'arrive à Vertekop le 23 à 15 heures 30. L'installation des bureaux se fait sous les hangars attenant à l'église 



      

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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 03:29

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     Nous logeons dans la sacristie et les officiers sous la guitoune. Le village est moche et impossible d'y trouver quoi que ce soit. Aussi la vie est plus mauvaise qu'à Tossilovo.

     Le 30 août, le Général Baston commandant la division nous donne l'ordre de nous rendre à Katranica. Donc nous embarquons à Vertekop et le chemin de fer nous laisse à Ostrovo. De là, par des sentiers très mauvais il nous faut rejoindre Katranika. Impossible de faire du vélo, je suis obligé de pousser ma bécane. Je fais la route d'Ostrovo à Katranica en compagnie du capitaine Tréca, mon chef de bureau. Presque sur tout le parcours nous trouvons de la vigne qui nous procure de bons raisins. Nous arrivons à destination après 4 heures de marche.

     Le village est assez important, perché sur une colline. L'eau n'y manque pas et les habitants paraissent très propres. Nous sommes en liaison avec l'armée Serbe et nous devons marcher avec eux. L'état-major est installé dans la mairie. Ma chambre est très bien. Mon propriétaire nous vend du lait chaud le matin. Le 6 septembre, j'attrape la dingue et suis assez fatigué.

     Je quitte Katranica le 8 septembre étant encore malade. Je me loge sur une araba et comme les sentiers sont très mauvais je fais le trajet dans de mauvaises conditions. En route, nous sommes pris par un orage et n'ayant pas d'ordre précis, le convoi s'arrête à Udzana. Je loge chez un turc qui nous offre du lait, du café et des poulets préparés avec du blé. Le tout était assez appétissant, mais étant fatigué, je ne goutte qu'au lait.

     Le lendemain matin au petit jour, le convoi quitte Udzana pour Dorutli. Ce village est moins important que Katranica et je suis tout de même logé dans une maison assez potable. Je me remets petit à petit de ma maladie. Je suis assez occupé par mon travail vu que j'avais tout laissé pendant ma maladie. Je quitte Dorutli le 12 septembre au soir. Les Bulgares se retirent et il nous faut avancer. J'arrive à Konop le 13 au matin. C'est un grand village où nous ne devons passer qu'une journée. Les légumes sont nombreux aussi les bonnes soupes ne nous manquent pas. Je mange également de bons melons et des pastèques. La route de Dorutli à Konop est accidentée. Il nous faut passer dans des ravins où les sentiers ne sont même pas tracés.

     Je quitte Konop le 14 après midi et arrive à Eksisu dans la soirée. C'est un village fort important. Les habitants sont bien. Les bulgares, avant de se retirer, ont défoncé tous les tonneaux de vin et d'eau-de-vie, aussi le devant des caves porte encore la marque des vins. Le raisin est à bon prix: on n'a que la peine de le cueillir et de le manger! L'état-major de la 57ème division vient nous rejoindre dans la nuit. Je passe la nuit à Eksisu et pars le lendemain matin dans la direction de Flornia. Après quelques kilomètres nous nous trouvons sur une route bombardée car les Bulgares tiennent encore Flornia, et ne pouvant aller plus loin nous nous arrêtons à Banica station. 

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      Dans l'après-midi, des avions bulgares viennent nous souhaiter la bienvenue. Pour cela ils emploient bombes et mitrailleuses. Heureusement pour nous il n'y a personne de blessé. Là arrive l'ordre qu'une partie du bureau parte la nuit pour Leskovec. Je quitte Banica station à 21 heures et nous arrivons à Leskovec à 8 heures le lendemain matin. Pour faire une dizaine de kilomètres nous avons mis toute la nuit, tant la route était mauvaise et vu surtout que notre guide était en-dessous de tout. Le village de Leskovec était petit, bien entendu. Nous faisons vider immédiatement les plus belles maisons que nous occupons dureste. Les gens sont encore sous l'impression du passage  des Serbes qui ont tout pillé et volé, disant que les habitants de ce village étaient tous Bulgares> Du reste, de notre côté, à notre départ, nous incendions les 2 plus grandes maisons qui appartenaient à un officier bulgare. Mon installation laisse à désirer mais vu le nombre d'habitations, je ne suis pas à plaindre.

     Les poules et les légumes ne nous manquent pas. Soupes et rôtis excellents. A mon départ, j'emporte une énorme couverture en poils de chèvre. Les Bulgares nous bombardent de temps en temps mais aucun blessé parmi nous. Le 30 septembre, les Bulgares attaquent et leur cavalerie arrive à percer nos lignes. Nous recevons l'ordre de nous tenir prêts à brûler tous les documents et à nous replier par la montagne. Mais la cavalerie Serbe parvient à arrêter les Bulgares et ce sont eux qui sont obligés d'abandonner leur position. 

     Je quitte Leskovec le 3 au soir, après une marche assez pénible, par une nuit très noire. Nous traversons les anciennes positions bulgares et nous arrivons à Urbéni dans la matinée du 4. Le village est fort endommagé, presque toutes les maisons portent trace des obus. Dans toutes les cours on peut voir des animaux tués. Le clocher du village, où s'étaient embusqués quelques allemands avec une mitrailleuse, a été décapité par un obus de 155. Au pied même du clocher sont enterrés 5 Allemands. J quitte Urbéni le lendemain matin pour me porter à 6 kms en avant à Vakufkoj. Là les maisons sont intactes et les habitants n'ont pas souffert du passage des troupes.

     Je suis très bien installé: ma chambre est au rez-de-chaussée et mon bureau au premier étage. Les légumes et les volailles affluent aussi nous n'en sommes pas privés. Dans le jardin de ma propriétaire il y a des ruches, et après entente avec un de mes amis, nous décidons d'en enlever une la nuit même. Armés d'une faucille et d'une poignée de paille nous partons en campagne. On n'avait pas oublié un énorme plat pour mettre les rayons de miel. Mais pour avoir ce produit, et étant novice dans ce métier, cela nous a coûté pas mal de piqûres. Tout de même nous arrivons à recueillir une dizaine de kilos d'un miel excellent.

     Pendant mon séjour dans ce village j'ai vu un ballon captif incendié par la foudre. Je quitte Vakufkoj le 19 à 14 heures à destination de Kravari. Je traverse Négocani, village aux trois quarts démoli par les obus à la tombée de la nuit et je continue sur Kravari. La route est fort encombrée de camions, autos, voitures de toutes sortes. Les Bulgares se replient et tous nos trains de combat vont et viennent avec rapidité.

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     Kravari est situé dans la plaine de Monastir et le terrain est marécageux. De la boue jusqu'à mi-jambe. L'état-major est installé dans une petite chapelle dont une moitié sert d'habitation aux officiers. Je me loge dans un abri que j'aménage avec un copain. De notre église on aperçoit Monastir et on peut à l'œil nu suivre la marche en avant de nos troupes. Nous sommes en liaison à droite avec le 57ème D. et à gauche avec une brigade russe. Je passe 3 jours dans ce sale trou et en route pour Monastir, capitale de la Macédoine.

     Monastir présente un beau coup d'œil. C'est une ville située dans une vallée, derrière une côte de 1248 mètres d'altitude. On peut voir quelques arbres dans les environs, ce qui est très rare en Macédoine. La ville n'a pas souffert de la guerre mais la vie y est excessivement chère: le pain coûte 10 F le kilo, les saucisses également, aussi les habitants viennent mendier nos restes.

     Ma chambre à coucher est installée dans une mosquée où les tapis et divans ne manquent pas. Dans une chambre à côté il y a le caveau d'un Marabout, mais on nous défend d'y pénétrer. Les gens paraissent assez civilisés et les toilettes à l'européenne ne manquent pas. Les Bulgares se retranchent sur les hauteurs commandant la ville et le bombardement commence le lendemain de notre entrée. Les obus tombent de partout et plus nombreux de jour en jour si bien que nos officiers obtiennent l'ordre de nous replier. Le 25 à 10 heures nous quittons la ville de Monastir pour aller loger au monastère de Kristofor à 6 kms en arrière.

     Je ne suis pas faché de cette décision car il est préférable d'être loin du danger. Au monastère de Kristofor, nous sommes très mal logés. C'est un bâtiment qui a été démoli en partie par les Bulgares. Les planchers branlent si bien qu'on se demande si l'on ne va pas passer au travers. Ce bâtiment est situé dans un bouquet d'arbres qui nous masque complètement des vues la nuit. Nos troupes se fortifient en avant de Monastir. Ma division occupe le secteur de la plaine. De mon habitation je domine toute la plaine de Monastir jusqu'à Prilep en avant et jusqu'à la Cerna à ma droite. Tout près de là il y a une source d'eau minérale et je vais en me promenant en chercher un bidon.

     Pendant mon séjour j'assiste à la destruction d'un ballon captif par un avion boche. Les Bulgares ne nous bombardent pas mais bombardent notre centre de ravitaillement  qui se trouve en arrière de nous.

     Le réveillon se passe d'assez bonne façon avec mes amis Mahé, Séasal et Lafond. Nous sommes relevés par la 11ème division coloniale et le 31 Décembre nous quittons Kristofor pour aller à Bukovo, village situé à 3 kms en avant et sur la gauche. L'état-major s'installe dans un coin du village où il y a les plus belles maisons. Pour nous cinq, nous avons une petite chambre épatante avec un bon poële. Nicolas, le fils de la maison, a la charge de l'entretien du feu. Cette famille de macédoniens est composée de la mère, de Nicolas âgé de 17 ans environ, Linka fillette chétive d'une dizaine d'années et Quito fillette de 8 ans environ. Ils sont tous quatre tout-à-fait gentils pour nous.

C'est ici que s'achève le premier carnet. J'ai tout recopié sans changer un mot, même si tout n'est pas "politiquement correct". Je regrette de ne pas avoir la suite. Place aux photos.

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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 02:24

Juin 1916: assis devant ma demeure, prenant l'amer Picon avec mes bons amis.

Kirec, le 5 Juin 1916
Kirec, le 5 Juin 1916
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7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 02:29

Le 16 Juin 1916: vue de l'église de Kirec P.C

Le 16 Juin 1916: vue générale de Kirec prise de l'église


Le 16 Juin 1916: Cour de l'église avant la cérémonie
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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 02:37

16 Juin 1916: notre ami Séasal est décoré de la Croix de Guerre.

16 Juin 1916: Généraux Baillaud et Milne après la remise des décorations


16 Juin 1916: Remise de la Croix de Guerre à l'escorte du Q.G. Kirec (Macédoine)
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5 mai 2008 1 05 /05 /mai /2008 02:43

Le 16 Juin 1916: Le Général Bailloud est décoré par le Général Milne de l'ordre du Bain


16 Juin 1916: Vue générale de la cérémonie

16 Juin 1916: Défilé des troupes après la remise des décorations
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