Même chose, sur l'article Smoking, non smoking la video de WAT a disparu.
Bons baisers de Canberra...
Même chose, sur l'article Smoking, non smoking la video de WAT a disparu.
Si vous répondez British Broadcasting Corporation, vous n'avez
qu'une partie de la réponse. C'est aussi Book Bell and Candle. Le livre, la cloche, et la bougie. C'est le titre d'une pièce de théâtre et aussi d'un film des années 50 qui fait référence à un
vieux rite d'excommunication de l'église contre la sorcellerie.
Le prêtre ferme le livre (la Bible), puis sonne la cloche (le glas qui annonce la mort) et enfin éteint la bougie et la
jette (ce qui précipite le ou la coupable en enfer).
Il y a quelques jours je suis passé devant un théâtre qui faisait une reprise de cette pièce et cela m'a rappelé des
souvenirs du restaurant "The French Kitchen".
En effet, nous avions un groupe de joyeux lurons qui avait formé un club baptisé "Book Bell and Candle". Ils venaient
régulièrement pour un repas bien arrosé. Chacun amenait une ou deux bouteilles de bon vin, de porto ou autre boisson alcoolisée et le repas s'éternisait. Je dois avouer que je les aidais à goûter
les vins pour leur permettre de choisir les plats adaptés (toute excuse est bonne). Cela peut paraitre bizarre pour ceux qui ne connaissent le B Y O (Bring Your Own): dans beaucoup de restaurants
en Australie, on peut amener son vin et ne payer que la nourriture. On paye simplement le "Corkage" (beaucoup moins cher que le pourcentage pris sur le prix d'une bonne bouteille)
Mais un jour un des convives eut un malaise; crise cardiaque en plein milieu du déjeuner. Heureusement nous avons pu
avoir une ambulance en quelques minutes. Pendant que les infirmiers le réanimaient, on téléphona à sa femme pour la prévenir. Elle était tellement furieuse après son mari et elle criait si fort
qu'on était obligé d'éloigner le recepteur et tout le monde pouvait quand même entendre:"Je lui avais bien dit que ce n'était pas raisonnable de boire comme ça! C'est bien fait pour lui!..." et
autres invectives et noms d'oiseaux pour les autres membres du groupe.
Il fut emmené rapidement sur une civière et à peine avait-il franchi la porte que tout le monde s'est remis à boire.
A sa santé, évidemment.
Pour la petite histoire, il s'est bien remis de sa crise cardiaque, et cela ne lui a pas servi de leçon, il a
continué à boire avec ses copains...
Il se présenta: "je m'appelle
James"
On lui fit remarquer que ce n'était pas très français comme nom, mais il nous expliqua que pendant la guerre, son père s'était lié d'amitié avec un soldat américain nommé ainsi. Malheureusemant
il avait été tué et son père avait décidé de donner ce prénom à son premier fils en sa mémoire.
Comme nom de famille il nous annonça "Marshall". Je n'allais pas encore lui dire que ça ne sonnait pas très français non plus. En tout cas son accent était très parisien, et il avait étudié à
l'école hotellière de la rue de Vaugirard. Il n'avait pas fini son diplome, mais il en savait bien assez pour travailler chez nous.
Au royaume des aveugles...
Très vite nous avons formé une bonne équipe. Ce qu'il y a de bien, c'est que nous avons toujours travaillé en nous amusant. Bien sûr, c'était parfois dur, sous pression, et on s'engueulait quand
tout ne tournait pas rond. Mais on aimait faire ça. C'est le genre de travail qu'on ne peut absolument pas faire si on n'aime pas.
On déposait les enfants à l'école, (à la garderie pour le petit dernier), on faisait les courses, on arrivait à la French Kitchen pour faire la mise en place. Après le service de midi on fermait
(vers 14 ou 15 heures), on récupérait la petite famille et rentrait à la maison.
Le restaurant rouvrait à 18 heures. On laissait donc le diner sur la table, la baby sitter arrivait, et nous repartions au boulot.
Pauvre baby-sitter! L'ainé pensait qu'il n'en avait pas besoin et lui en faisait voir de toutes les couleurs. Mais on ne pouvait pas lui laisser la responsabilité du petit dernier. Ma fille entre
les 2 restait zen...
Comme nous nous sentions un peu coupables de les laisser tous les soirs, nous essayions de leur laisser un bon diner.
Un soir où nous étions particulièrement pressés, Pierre nous demanda: "qu'est-ce qu'on mange?"
"Le diner est sur la table..." lui repondit Camille.
Il jeta un coup d'œil et fit cette remarque que nous ne lui pardonnerons jamais:
"Quoi? encore du saumon fumé!"
Notre repas était beaucoup plus tard, après le service. De ce fait on ne se couchait jamais de bonne heure. Ce n'est qu'au bout de 2 ou 3 ans qu'on s'est
mis à diner avant le service, vers 17 heures 30, ce qui nous permettait d'avoir le repas avec les enfants au restaurant. Ensuite l'un de nous les raccompaganit à la maison pendant que l'autre
commençait le service.
Mais revenons au début. Cela faisait un an environ que James avait rejoint notre équipe. Il était devenu 2ème en charge de la cuisine, il avait une petite amie australienne très
sympathique et la seule fois où il ne s'était pas présenté au travail à l'heure, il avait une bonne excuse: il était tombé de sa moto et s'était retrouvé à l'hopital. C'était sans gravité
heureusement, mais il avait été très choqué. En fait le choc avait une autre cause. Un soir alors que nous avions fini de diner et que nous bavardions pour décompresser du travail, il nous
dit:"Je dois vous avouer quelque chose..."
Ce qu'il nous declara alors nous fit tomber de notre chaise. Nous étions attérés, nous ne savions plus quoi répondre.
"Je suis arrivé en Australie avec un visa touriste, je devais repartir au bout de 6 mois: je suis un illegal migrant"
Le silence qui suivit fut long et pesant.
Finalement on lui dit qu'il n'y avait qu'une solution: il devait repartir volontairement et qu'ensuite on pourrait lui servir de sponsor pour qu'il revienne en toute légalité. On se
passerait de lui pendant 2 ou 3 mois...
En fait il fallut près d'un an avant qu'il n'obtienne le fameux visa permanent, grace aussi au soutien de sa petite amie. Et après tout cela, il ne
l'épousa même pas, il en épousa une autre, une de nos serveuses, très sexy, et le mariage dura moins d'un an!
A dater de ce jour je fus très strict au moment d'embaucher quelqu'un de nouveau. Un jour un asiatique se présenta pour le poste de plongeur. Je ne pourrais pas dire son nom, c'était
imprononçable. Il demanda:"est-ce que je serai déclaré?". A ma réponse affirmative, il déclara:"Alors mon nom c'est..." et là un nom différent, tout aussi imprononçable. Il n'eut pas le
job
INN=auberge. C'est un des noms que nous avions proposé pour le restaurant, puisque c'était d'abord une crêperie. Mais personne n'aurait compris le jeu de
mots...
Le menu était assez simple au début. Heureuseument car nous n'avions pas trop d'expérience dans la cuisine à la carte. C'est petit à petit, au fil des années, que le style a changé et est devenu
totalement cuisine française (avec des plats bien de chez nous comme "tajine" par exemple)
J'ai retrouvé une copie du premier menu affiché sur la porte. Ce qui surprend surtout, ce sont les prix: pour le prix total d'un repas, on n'aurait plus maintenant qu'une entrée. Le plat le
plus cher, le filet de bœuf , ne coûtait que $9.80...
Chaque matin, on commençait par faire les crêpes. On utilisait une douzaine d'œufs pour la pâte et on utilisait 3 poëles à la fois. On versait une louche
dans la première poële, puis dans la 2ème, à ce moment il fallait retourner la 1ère crêpe et verser une louche dans la 3ème poële, retourner la 2ème, retirer la 1ère et recommencer jusqu'à
épuisement de la pâte. En tout il fallait à peu près une heure pour faire 60 crêpes environ.Je vous donne la recette: 12 œufs
160g d'huile
160g de beurre fondu
500g de farine
1 litre de lait On mélange le tout dans un grand "Kenwwod" on passe au chinois pour enlever les grumeaux et on laisse reposer.
Les garnitures étaient aussi préparées à l'avance (par exemple la blanquette de veau (coupée en dès plus petits que la taille normale) ainsi pour le service il suffisait de prendre une
crêpe, de la remplir avec le bœuf, la ratatouille ou les fruits de mer, faire réchauffer rapidement au four à ondes, ajouter une garniture de mesclun sur le côté et envoyer...
On garantissait un service rapide. (Fast food en quelque sorte). Ainsi les gens qui voulaient aller au cinéma avaient le temps de manger avant le film, ou d'avoir un souper rapide après. Dans ces
années-là c'était révolutionnaire: les cafés n'existaient pas. On ne pouvait manger qu'à heures fixes (pas question dans un établissement normal de passer une commande après 20 heures) et surtout
le service partout ailleurs était très long.
On servait soit une, soit 2 crêpes...(d'où les 2 prix sur le menu). On n'était pas obligé de prendre un repas complet avec entrée, plat principal et dessert comme c'était le cas dans les autres
restaurants. Le choix était assez grand pour satisfaire tous les goûts, bref très rapidement ce fut un succès.
Avec le temps, on réduisit le nombre de crêpes et on ajouta plus de plats à la carte, mais jusqu'au dernier jour il y a 2 crêpes que nous n'avons jamais pu enlever du menu: celle aux fruits de
mer, et la crêpe Suzette ( flambée directement à la table ). On avait pas mal d'imagination: on inventait des recettes puis on leur trouvait un nom original. Par exemple, la crêpe florentine (aux
épinards) ne se vendait pas bien. On essaya donc de faire un nouvau mélange: un tiers d'épinards, un tiers de viande de bœuf hachée, un tiers de fromage blanc frais (Riccotta) pour alléger.
Le tout relevé par un peu de parmesan. Comment appeller ce machin au ricotta? facile , on contracte machin et ricotta, ça devient "Manicotta". Le mot n'existe pas? et alors? Du jour au lendemain,
ça devint un best-seller... Et en plus, c'est bon!
Noël approchait, et le nombre de clients augmentait. Il fallut se mettre à chercher du personnel. Il n'y avait jusque-là que ma femme dans la cuisine et moi dans la salle. Tant qu'il n'y avait
pas plus de 20 à 25 clients ça allait mais au-delà c'était la panique.
Je ne pourrais pas faire la liste de toutes les serveuses que j'ai employées en 19 ans de restaurant. Certainement plus que Casanova n'a eu de femmes dans sa vie entière.
Le défilé des "kitchen hands" (plongeurs) n'était pas mal non plus. Celui qui a duré le moins longtemps a commencé son service un samedi soir. Son premier travail consistait à descendre
la poubelle. Il n'est jamais remonté...
Un beau jour de novembre, un jeune français s'est présenté en demandant s'il y avait du travail. Il tombait à pic.
Il est temps de raconter l'histoire de la "French Kitchen".
J'avais d'abord pensé faire un livre de recettes: toutes celles que nous avons utilisées dans notre restaurant français pendant 20 ans.
Eh oui, non seulement nous avons eu le même business pendant 20 ans, mais en plus c'était un restaurant. En connaissez-vous beaucoup des restaurants qui ont duré 20 ans en Australie? Je
pense que juste pour ça nous devrions être dans le Guinness Book of Records.
Par où commencer?
Qu'en un lieu, en un temps. un seul fait...etc(Cf Boileau)
Le lieu: Canberra. Capitale de l'Australie, où nous sommes arrivés en 71 (mais ça, c'est encore une autre histoire, j'ai du pain sur la planche pour tout raconter)
Quand? en 81. Eh oui, c'était le siècle passé. Une époque où tout était possible, tout était permis (enfin presque) et surtout une époque où j'étais jeune... (Avez-vous entendu le
soupir?)
Le fait? C'est de se lancer dans une aventure qui a marqué notre vie, celle de nos enfants, de nos amis...
Alors que j'avais un petit boulot tranquille, bien stable, une famille avec des enfants en bas-âge c'était une folie de se lancer comme ça. Et pourtant, nous avons franchi le pas. Encore un. Le
premier c'était de partir au bout du monde, le deuxième c'était celui-là. Pour cela, il faut d'abord que je parle de Nicole. Elle se reconnaitra surement si un jour par hasard elle se
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