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10 novembre 2007 6 10 /11 /novembre /2007 02:57

Il est temps de raconter l'histoire de la "French Kitchen".

J'avais d'abord pensé faire un livre de recettes: toutes celles que nous avons utilisées dans notre restaurant français pendant 20 ans.
Eh oui, non seulement nous avons eu le même business pendant 20 ans, mais en plus c'était un restaurant. En connaissez-vous beaucoup des restaurants qui ont duré 20 ans en Australie? Je pense que juste pour ça nous devrions être dans le Guinness Book of Records. 
Par où commencer? 
Qu'en un lieu, en un temps. un seul fait...etc(Cf Boileau)

Le lieu: Canberra. Capitale de l'Australie, où nous sommes arrivés en 71 (mais ça, c'est encore une autre histoire, j'ai du pain sur la planche pour tout raconter)

Quand? en 81. Eh oui, c'était le siècle passé. Une époque où tout était possible, tout était permis (enfin presque) et surtout une époque où j'étais jeune... (Avez-vous entendu le soupir?)

Le fait? C'est de se lancer dans une aventure qui a marqué notre vie, celle de nos enfants, de nos amis...
 
Alors que j'avais un petit boulot tranquille, bien stable, une famille avec des enfants en bas-âge c'était une folie de se lancer comme ça. Et pourtant, nous avons franchi le pas. Encore un. Le premier c'était de partir au bout du monde, le deuxième c'était celui-là. Pour cela, il faut d'abord que je parle de Nicole. Elle se reconnaitra surement si un jour par hasard elle se connecte sur ce blog.

A l'époque, elle avait un restaurant français dans un motel. Elle y faisait la cuisine et son mari s'occupait de la salle. Nous étions rapidement devenus amis, et elle adorait les enfants. Malheureusement, elle n'avait pas pu en avoir et avait même fait une demande d'adoption, en vain. Elle aimait beaucoup nos 3 enfants et était devenue la marraine de notre petit dernier. Un jour ma fille, alors âgée de 4 ans, assise sur ses genoux, tira son corsage pour regarder à l'intérieur.
"Qu'est-ce que tu vois?" lui demanda Nicole.
"Une paire de fesses" lui répondit Mary. Il faut préciser que Nicole avait des formes généreuses...

Nous n'habitions pas très loin de son restaurant et parfois, lorsqu'il y avait "un coup de feu" elle nous appelait pour donner un coup de main: ma femme dans la cuisine, moi dans la salle... Nous avons appris ainsi, sur le tas, les rudiments du métier.


Comme ses affaires marchaient bien, elle décida un jour d'ouvrir un 2ème établissement, avec un autre couple d'amis. Tout le monde aida à planifier, choisir le décor, le style de cuisine, la vaisselle, les verres et les couverts, les nappes, etc... Il y a une multitude de détails à prévoir! Et le nom? On finit par se mettre d'accord sur "Le Moulin Rouge" avec sur les murs des affiches de Toulouse-Lautrec et de danseuses de French Can-Can.

Plus tard encore elle ouvrit une petite crêperie et ce fut Camille qui en prit la tête. C'était une boutique minuscule qui faisait aussi des quiches et des plats à emporter. Comme cela avait beaucoup de succès, elle décida d'ouvrir une plus grande crêperie et nous proposa de devenir associés. C'était tentant et ainsi naquit la "French Kitchen"...

C'était en plein centre ville, dans un centre commercial qui s'appelait The Boulevarde (oui, avec un "e" au bout ce n'est pas une faute d'orthographe). Nous étions au premier étage, dans une gallerie, au-dessus d'un cinéma d'art et d'essai. La boutique avait d'abord été un magasin de "Pots & Pans" (des pots et des casseroles et autres accessoires culinaires) puis il avait été transformé en restaurant par la propriétaire du petit café qui se trouvait au rez-de-chaussée. Son café marchait si bien que ses clients lui avaient suggéré de s'agrandir mais rapidement elle ne put plus répondre à la demande: c'était trop grand pour elle: 60 places au lieu des 20 qu'elle avait avant. On lui fit une offre qui fut acceptée et nous devions reprendre au mois d'octobre 81. Cela ne me laissait pas le temps de donner un préavis à la firme où je travaillais. On se partagea donc le travail. Puisque le restaurant de Nicole n'était ouvert que pour le diner, son mari pouvait tenir la French Kitchen à l'heure du déjeuner, puis le soir c'était mon tour (après ma journée de travail normal). Cela a duré un mois. J'étais crevé. Comme j'avais travaillé 10 ans dans la même firme, j'avais droit au "long service leave". Au lieu de le prendre en vacances, je le pris en argent, ce qui me donnait mon apport financier pour le restaurant.

Au moment où Nicole devait payer sa part, elle reçut une réponse favorable à sa demande d'adoption: une petite fille l'attendait en Thailande. Elle était folle de joie et partit aussitôt.
"je serai de retour dans une semaine..."

Un mois plus tard, elle était toujours en Thailande et avait dépensé toute sa part en frais de séjour, de pots-de-vins, etc...C'était à moi de me débrouiller pour faire patienter la propriétaire qui attendait ses sous!

Enfin elle revint, sur un petit nuage, et ne pensait plus qu'à pouponner. Plus question de partager le travail comme il en avait été convenu au départ: elle devait en priorité s'occuper de sa petite fille! Elle avait oublié que nous aussi avions des enfants et qu'on devait s'en occuper également...Elle n'était plus disponible. 

La patience n'étant pas ma qualité primordiale, ça fit des étincelles (en anglais "The shit hits the fan"). Cela ne faisait que quelques semaines que nous étions associés, cela ne dura pas plus longtemps. Ils ne pouvaient plus me racheter ma part car tout leur argent était parti dans l'adoption, je pris donc un emprunt et rachetai la leur.

Nous sommes restés quelques années sans se voir ni se parler, mais je n'en veux plus du tout à Nicole. Je comprends très bien ce qui s'est passé et finalement ça nous a obligé à nous jeter à l'eau...Ce fut très difficile pendant les 6 premiers mois. Nous n'avions aucune expérience professionnelle et tout nous demandait beaucoup plus d'efforts que necessaire.

Au bout de ce temps-là nous avions pris le coup de main et tout devint plus facile. La vraie histoire de la French Kitchen pouvait commencer.
FK.jpg
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commentaires

J
<br /> Mes felicitations Michel, passionante  EldoradoZ .Je suis moi meme dans la restauration depuis quelque annees a present et se serais un reve de pouvoir faire le pas si ma sante financiere<br /> et mon business plan etais operationel.<br />   Ma foi ,tres belle histoire si vous passez sur Sydney je travail actuellement dans un restaurant sur Pyrmont Park 'Sugar room' je vous y invite.<br /> <br />  En attendant la suite du novel, je vous dis au revoir .<br />    Respectueusement.<br />                               Jean-Christophe<br /> <br /> <br />
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C
Vraiment très interessant et bien écrit. On a envie de lire jusqu'au bout.Nous avons nous aussi choisi de quitter la France avec notre petite famille pour Sydney, cela fera 2 ans en Juillet.Je retourne sur le blog que je découvre...... 
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T
c'est génialune experience comme celle -la merite bien in livre,depuis,apres vingt ans,comme vos dites,cette experience s'est arrétée,vraiment dommage,comment vous est venue l'idée de partir" si loin"?
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J
Bonsoir Michel...il y avait un petit bout de temps que je n'étais pas venue te voir...Ainsi tu nous racontes un épisode (important) de votre vie..Mais c'est tout à fait dans l'esprit "pionnier" des gens de chez nous!! Avant moi dans les coms un ancien "de chez nous"..c'est bien Internet quand meme..Bonne semaine !!en dessous une petite image de notre ville prise depuis Fort de l'eau
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J
Bravo. Quel énergie. J'admire, moi qui ai mené une  vie tranquille en travaillant beaucoup  ,certes, mais toujours au même endroit,à Pau et sans grand risque.Je profite maintenant de ma retraite pour bouger,pour le moment dans la vielle Europe et l'Afrique du Nord.
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